Dans cet article nous allons voir ensemble ce que les arômes vous révèlent sur le rhum que vous dégustez.
Vous êtes nombreux à me demander comment interpréter un parfum que l’on sent à la dégustation.
Vous trouvez cela compliqué.
Vous ne comprenez pas ce que vous sentez…
Cette phase d’analyse de ce que vous ressentez peut vous sembler déroutante.
Vous vous sentez comme la première fois que vous faites de la méditation, que l’on vous dit de ne penser à rien et que tout plein de penser diverses se bousculent dans votre tête.
Même des amateurs avertis me disent parfois avoir un peu de mal à interpréter certains arômes.
Et la difficulté d’apprentissage est plus grande parce que nous n’avons pas tous le même référentiel d’interprétation de ces parfums.
Ce que je vous propose dans cet article, c’est de prendre le problème autrement. Nous allons chercher à nous concentrer sur les sensations que nous ressentons quand nous portons le verre au nez. Interpréter ces sensations sera certainement beaucoup plus simple que de chercher à mettre un nom sur un arôme précis.
Les arômes apportés par la canne
Il existe de nombreuses variétés de cannes. Chaque variété de cannes se gorge avec le temps d’une certaine quantité de sucre. Le climat et la terre jouent également sur la quantité de sucre que va développer la canne. Cela joue également sur la fraîcheur du jus de canne et son aromatique.
La canne pousse dans des climats chauds. Mais plus ce climat est chaud, plus la canne va développer sa gourmandise et son fruitée. Avec un climat très humide, la canne va développer une fraîcheur végétale. Un climat très chaud et humide va permettre de développer les deux.
Même en restant dans les limites des tropiques, le climat sera très différent entre le Brésil, les Antilles, l’Afrique, l’Asie ou l’Australie.
Certaines de ces caractéristiques vont se retrouver dans le verre que vous faites tourner pour accélérer un peu l’oxydation du rhum. Même après la distillation, les caractéristiques du terroir, du climat et de la variété de la canne peuvent se retrouver dans le verre.
La combinaison de la variété de la canne, du terroir, et du climat va faire balancer le curseur aromatique entre le végétal et le fruité. Avec la présence des deux à chaque fois et toute une variété de végétale et de fruité.
Le développement du sucre
Le développement du sucre dans la canne est conditionné principalement par l’ensoleillement. La photosynthèse joue sur le développement du jus. Donc, selon les conditions d’ensoleillement, la canne développera plus ou moins de sucre. Avec moins de sucre, la gourmandise va laisser la place au caractère végétal de la canne. C’est ainsi que l’on peut retrouver des différences qui peuvent être flagrantes entre deux millésimes d’un même rhum.
Si vous avez suivi jusqu’ici, vous avez compris que le terroir et le climat vont avoir une incidence sur les arômes que va développer un rhum. Un rhum issu d’une canne provenant de la même terre et distillé de la même manière peut une année développer un fruité très prononcé et une autre un végétal des plus frais. C’est quelque chose que l’on remarque beaucoup dans les dégustations de rhums blancs. Certaines distilleries ont même commencé à millésimer certains de leurs rhums blancs premium, justement pour cette raison.
Goûtez la canne fraîche
La canne va être coupée à partir du moment où elle aura atteint un minimum de 80 % de maturité. Elle est alors bien gorgée de sucre.
Si vous en avez l’occasion, je vous invite à mâcher un morceau de canne fraîchement coupé. Le jus coule en bouche, c’est bien sucré, les enfants adorent dans les îles.
Cette expérience vous permettra de comprendre pourquoi je vous parle d’arôme de canne fraîche dans mes dégustations de rhum pur jus de canne.
Les arômes apportés par la Mélasse
Je vous dis tout de suite qu’il n’y aura pas de notions d’ajout de sucre dans cet article.
Je considère également que nous dégustons des rhums de dégustation et donc je mets de côté les rhums neutres qui sont plutôt destinés au cocktail.
La matière première est un élément qui va fortement changer les sensations que vous allez avoir à la dégustation.
Ce qu’il faut comprendre, c’est que si nous sommes sur un rhum de mélasse, vous pouvez presque tout oublier de ce que l’on a vu sur ce qu’apporte la canne. La chauffe du jus de canne et la caramélisation du sucre prennent le dessus sur les caractéristiques de la canne fraîche. Il y a un caractère caramélisé et gourmand qui va se retrouver dans le rhum.
Beaucoup d’amateurs reprochent aux rhums hispaniques leur manque de variations. J’ai entendu plusieurs fois des amateurs déclarer avoir fait le tour des rhums hispaniques et ne plus rien avoir d’intéressant à apprendre dans cette partie de l’univers du rhum.
Le caractère de la chauffe
Il n’y a donc plus de terroir, plus de variation climatique.
Mais d’autres variations vont voir le jour. Elles sont subtiles, mais bien présentes. Toutes les sucreries ne chauffent pas le jus de canne de la même manière, avec le même matériel. Le caramel va se retrouver dans tous ces rhums. Mais ce sera un caramel plus ou moins empyreumatique, plus ou moins gourmand.
Qu’est-ce que j’entends par empyreumatique ?
Simplement le degré de chauffe du caramel qui se ressent à la dégustation. Une chauffe douce donnera un caramel doux et gourmand. Une chauffe forte va donner un caramel avec un caractère fort pouvant même tendre vers le café.
La gourmandise caramélisée
C’est certainement le caractère aromatique qui fait penser à certains amateurs que les rhums de mélasse sont tous sucrés. Il n’y a pas de sucre dans un rhum de mélasse quand il sort de l’alambic. Mais si vous avez dans le verre un bon rhum de la Barbade, vous ne pouvez pas passer à côté de cette gourmandise.
Nous sommes sur une gourmandise que l’on va soit assimiler à la pâtisserie, soit à la confiserie.
Vous allez avoir des sensations pâtissières, car la gourmandise sera douce, ronde, huileuse.
Vous aurez la sensation d’avoir un bonbon dans la bouche avec un caramel plutôt acidulé.
La fermentation
La fermentation a une importance essentielle dans l’aromatique d’un rhum. Tellement essentielle, que je préfère faire un article entièrement dédié à la fermentation que je vous partagerais un peu plus tard.
Concentrons-nous dans cet article sur les autres aspects du développement des arômes d’un rhum. Il y a déjà beaucoup à assimiler.
L’apport du bois
Le repos en fût va apporter beaucoup de choses au rhum. Comme pour la fermentation, il y a beaucoup à dire sur ce qu’apporte le fût au rhum. Cela fera également l’objet d’un article. Ici nous allons survoler les caractéristiques principales apportées par le bois et qui peuvent changer les sensations que vous allez avoir à la dégustation.
Dans le fût, le rhum est aspiré dans le bois. À ce contact, il va s’imprégner de l’essence du bois et la mélanger au reste du rhum quand il y retournera.
Selon l’essence du bois utilisé pour le fût, l’essence aromatique qui sera donnée au rhum pourra être différente. La plupart des fûts sont faits en bois de chêne européen ou américain. Il y a déjà des différences entre ces deux essences de bois et elles sont bien plus flagrantes avec d’autres essences de bois.
La chauffe du bois
Que ce soit pour sa confection ou sa réutilisation, un fût va être chauffé, brulé. Cette chauffe est plus ou moins forte, de légère à carbonisé. Bien entendu, cette chauffe change énormément l’aromatique du bois. Et donc ce que ce bois va transmettre au rhum.
Si ce sujet vous intéresse, je vous recommande ma série de vidéo sur la tonnellerie Navarre.
Si la chauffe est légère, vous allez ressentir une atmosphère fraiche qui peut aller du bois sec et épicé, à la fraicheur d’un sous-bois.
Quand vous avez une chauffe très forte, vous allez avoir une atmosphère fumée, empyreumatique avec souvent des notes de tabac ou de café.
Le niveau de chauffe va modifier le curseur aromatique entre ces deux extrêmes. Il sera intéressant d’essayer de comprendre comment la chauffe modifie l’aromatique du rhum. J’ai envie ici de vous proposer une comparaison pour ce point parce que je ne l’ai encore jamais proposé. Essayez de comparer le Mount Gay Black Barrel au Mount Gay Eclipse. Il y a une belle expérience à faire sur la compréhension aromatique de ce point précis.
Le fruité évolue avec le boisé
Le bois apporte assez peu de fruité dans l’aromatique, mais il va modifier le fruité déjà présent dans le rhum. On peut assimiler cela à une cuisson du fruit, surtout si l’on a un rhum de mélasse à la base. Le fruité va gagner en gourmandise. Ils vont être bien plus murs, voire cuits ou confits.
Il va y avoir des cas où ils seront plutôt séchés. Le sucré y est plus concentré. La gourmandise y est plus présente. Même si le rhum n’a pas eu d’ajout de sucre.
Les épices apportées par le boisé
Le dernier point et non des moindres est la gamme d’épices que vous allez pouvoir déceler dans le rhum. On ne va pas aller dans le détail, mais l’idée est d’écouter vos sensations liées aux aromates. Comme en cuisine, il rehausse l’aromatique, lui donne une complexité et une saveur particulière.
L’épice la plus facile à déceler et qui est présente dans presque tous les rhums vieillis, c’est la vanille. La vanilline est une molécule qui est présente dans beaucoup d’essence de bois et qui est facilement assimilée par le rhum au repos.
Elle est tellement présente qu’on ne la cherche même plus quand on a un peu d’expérience. Je me rends compte que je n’en parle plus dans mes notes de dégustation, même si je la remarque.
Je n’aborderais pas les finitions et vieillissements en fût ayant contenu autre chose que du Whisky. Cela suggère un niveau de complexité au-dessus du niveau que je souhaite donner à cet article.
La base de la base
Même en n’ayant survolé que la base des sensations que l’on peut avoir à la dégustation d’un rhum, vous avez pu constater que les facteurs de développement d’un arôme sont nombreux. Beaucoup trop nombreux pour les connaître tous. Ces repères vous aideront à faire les premiers pas dans l’analyse de vos sensations.
Avec ces éléments, vous avez les premières bases de l’analyse d’une dégustation. Vous n’allez pas allez très profondément dans l’analyse. Mais vous allez pouvoir toucher un peu aux grandes familles aromatiques. Et surtout, vous avez appris à mieux comprendre ce qui fait l’aromatique d’un rhum. Vous avez les premières petites clés d’interprétation de votre rhum. Exercez-vous pour progresser et développer votre palais.
Si vous ne l’avez pas fait durant la lecture de cet article, je vous invite à prendre un verre. Et faites une dégustation en interprétant les sensations que vous avez avec les indications que je vous ai données dans cet article.
Si vous êtes un amateur averti, faites une dégustation à l’aveugle. Essayez de comprendre ce rhum, uniquement sur ces sensations premières.
Quelle interprétation faites-vous de ce rhum ?
Dites-le-moi en commentaire.
Conclusion
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N’oublie pas qu’un rhum partagé est un plaisir décuplé.