Dans cet article, je vous propose de plonger dans l’univers d’une des plus traditionnelles des distilleries du monde, Hampden Estate.
Une histoire et une tradition ancrée dans l’identité de la distillerie. Au point qu’elle est une des rares distilleries qui fait du rhum comme on le faisait il y a plus de 200 ans.
On touche là à un véritable savoir-faire et des pratiques qui semble, à beaucoup, très originale alors qu’elles sont vieilles de plusieurs siècles.
Forcément, les rhums proposés par Hampden Estate sont également atypiques et ne plaisent pas à tout le monde.
Mais aujourd’hui, c’est ma distillerie préférée alors pour cette nouvelle série d’articles autour des acteurs de l’univers du rhum, j’ai choisi de commencer par Hampden.
J’espère que ce nouveau format va vous plaire.
Son Histoire
Alors que cela fait 242 ans que Hampden Estate produit du rhum, mais ce n’est que depuis quelques années qu’elle a commencé à produire du rhum sous son propre nom, porté par Luca Gargano et Velier qui ont su mettre en valeur le savoir-faire de la distillerie pour les amateurs avertis. Hampden est une distillerie qui produit du rhum destiné à la vente en vrac à des brokers, il sert ensuite principalement à l’assemblage.
La distillerie se situe à Trelawny, dans la vallée de la reine d’Espagne, non loin de la pointe ouest de l’île, à la Jamaïque bien sûr.
L’Habitation Hampden (Great House) est fondée 1743, mais il lui faudra 10 ans pour devenir une grande plantation sucrière. Elle est alors la propriété de M. Archibald Stirling.
La distillerie ne commença à produire du rhum qu’en 1779. Ce rhum est alors vendu à la Greate House Hampden Estate.
Hampden Estate changera de propriétaire en 1827 quand le domaine est racheté par DO Kelly-Lawson. Elle ne restera pas longtemps sous l’égide de la famille de Kelly-Lawson. Car la fille de DO, Ena Kelly-Lawson épouse un M. Farquharson. À la mort de Kelly, le domaine passera dans le patrimoine des Farquharson.
En 2003, le domaine deviendra la propriété de la Jamaica Sugar Company of Jamaica, mais elle ne le restera pas longtemps. Malgré les efforts du gouvernement pour redresser la distillerie et conserver les emplois, il se verra obligé de céder le domaine aux enchères. C’est la Famille Hussey propriétaire de l’Everglades Farms Ltd qui va reprendre la distillerie et développer pour la première fois une gamme de rhum au nom de la distillerie. La famille Hussey va également réussir partout où le gouvernement a échoué en créant de nouveaux emplois et en dynamisant la région.
Depuis ses origines, la distillerie Hampden n’a pas changé son mode de production du rhum. Un mode de production traditionnel avec une manière bien à elle de faire fermenter le moût pour obtenir des rhums high esters (grand arôme). Même si le processus, la recette, reste secrète, nous savons qu’elle fait une fermentation de 2 à 3 semaines. Pour favoriser et déclencher la fermentation naturelle, elle utilise des dunder, vinasse et muck pit qui vont permettre une création d’esters en très grande quantité. La distillerie propose des Marks qui vont jusqu’à 1600 g/hl d’éléments non alcool dans le rhum. Rapidement, un mark est le nom que l’on donne à une catégorie de rhum qui a un nombre d’esters précis. Rappelons que le rhum agricole doit être à 225 g/hl. La distillerie prétend pouvoir réaliser des rhums allant jusqu’à 3000 g/hl. Je n’ose même pas imaginer ce que cela doit être à la dégustation. De tout temps les rhums high esters ont été appelés les rhums puants tellement leur arôme est puissant, mais avec 3000 g/hl, cela doit vraiment bien porter son nom.
La fermentation et le terroir d’Hampden Estate
Il y a beaucoup de choses à dire sur Hampden, son histoire en est une, mais ce qui caractérise cette distillerie et forge son identité, c’est la manière avec laquelle elle procède à la fermentation du moût de mélasse.
C’est donc sur ce point que je veux mettre l’accent. En comprenant le processus de fermentation de chez Hampden Estate, vous allez pouvoir comprendre ce qui fait son identité aromatique.
La mélasse utilisée par la distillerie est issue de la canne à sucre de la propriété.
Il y a un véritable terroir dans les produits Hampden, mais cela va bien au-delà du produit de la terre.
La fermentation opérée par Hampden est un véritable savoir-faire propre à Hampden. Je vous en ai un peu parlé dans l’historique, mais on va aborder le processus de fermentation un peu plus dans le détail, car c’est cette fermentation qui fait l’identité d’Hampden.
Hampden n’utilise aucune levure boulangère ni contrôle strict de la fermentation pour obtenir un moût équilibré comme cela est fait dans la plupart des distilleries. Hampden laisse faire la nature. Enfin, elle boost tout de même un peu la nature.
Hampden utilise plusieurs sources de production de bactéries qui vont l’aider à développer la fermentation d’un moût.
Comme la plupart des distilleries qui font du rhum grand-arôme, elle réutilise les vinasses (dunder), résidu de la distillation des précédents rhums.
La fermentation est spontanée, elle se fait dans de grandes cuves en bois, laissées à l’air libre pour que l’air, les bactéries, les insectes et plein d’autres choses viennent participer à la fermentation du moût.
Mais la carte maîtresse d’Hampden Estate, c’est l’utilisation du Muck pit. Hampden creuse des tombes (ils les appellent littéralement des tombes, cela en a d’ailleurs la forme) à même la terre. Dans cette tombe, ils vont y verser de la vinasse, des fruits pourris, de la bagasse et des fois des carcasses d’animaux. La recette peut varier. Le tout est laissé à fermenter, abandonné, pendant plusieurs mois, voir plusieurs années. Cette préparation est utilisée pour faire le muck pit, une espèce de boue fermentée qui va être ajoutée dans les cuves de fermentation pour booster la fermentation.
Cette fermentation est tellement folle que l’on pourrait penser que c’est Bob Marley qui en a fait la composition après s’être tiré un bon gros pétard.
L’identité aromatique d’Hampden Estate
Il y a une identité marquée chez Hampden et qui me plait particulièrement, une forte puissance pétrolifère mêlée de solvant, avec une aromatique fruité des plus étonnante, beaucoup de fruits murs, voir même pourris et une gourmandise propre aux bonbons, l’impression d’entrer chez le confiseur alors qu’il est en train de réaliser des bonbons candis.
Le fait de mentionner des fruits pourris dans l’aromatique ne désigne pas un mauvais arôme, mais une note complémentaire qui se mélange très bien avec le côté pétrolière des grands arômes. En tout cas, je l’apprécie dans le parfum général, du moment qu’elle ne prend pas une trop grande place.
Je peux parfaitement comprendre que ces particularités peuvent être rebutantes pour beaucoup d’amateurs. C’est particulier comme parfum. Et quand on sait comment c’est fait, cela ne donne pas une image des plus saines.
Hampden a classifié ses différentes productions en fonction de la quantité d’éléments non alcool, les marks. Je vais vous présenter plus bas différents rhums que j’ai dégusté qui se différencie justement par leurs Marks. Du plus léger au plus lourd :
- LFCH : entre 85 et 120 g/hl
- LROK : entre 200 et 400 g/hl
- HLCF : entre 500 et 700 g/hl
- Diamond H (< > H) : entre 900 et 1 000 g/hl
- HGML : entre 1 000 et 1 100 g/hl
- C < > H : entre 1 300 et 1 400 g/hl
- < > DOK : entre 1 500 et 1 600 g/hl
Je n’ai jamais goûté de rhum pur issu des deux derniers marks. C’est tellement puissant qu’il suffit de 1 à 2 pour cent de ces rhums pour totalement changer le profil d’un rhum léger. Cela doit même être dangereux de les boire pures tellement c’est puissant.
Un lien avec le Whisky
Je n’en parle pas souvent, mais pour le coup, il y a un lien à faire avec le whisky ici. Le whisky tourbé peut être considéré comme assez proche tout en ne l’étant pas. Un fumé très particulier et un univers clivant qui partage bien les amateurs.
On aime ou on n’aime pas.
Laisser le verre s’aérer
J’ai un grand plaisir à laisser mon verre s’aérer pendant que je lis ou que je travaille à mon bureau. Les effluves pétrolifères sont des plus agréables. Je sais que cela n’est pas le cas pour tout le monde, mais personnellement j’adore. C’est comme un diffuseur d’huiles essentielles sauf que l’huile est un peu spéciale.
Déguster le verre vide
Je n’en parle pas dans mes notes de dégustation, car elles sont déjà bien assez longues, mais il y a une étape de la dégustation que j’aime particulièrement. Chez Hampden, cette étape prend tout son sens, car le plaisir de la dégustation est intact et qu’il y a de nouvelles choses à découvrir. Cette étape, c’est la dégustation du verre vide. C’est une dégustation qui se fait évidemment au nez. Vous allez pouvoir apprécier avec plus de facilité les arômes les plus complexes et les plus volatiles avec plus de facilité puisque vous n’aurez plus la puissance des watts pour vous gêner.
Dégustation des rhums de chez Hampden
Vous avez été nombreux à participer au sondage sur Instagram pour désigner le rhum dont j’allais faire une dégustation en vidéo et c’est tombé sur le Great House Batch 1. Je n’aurais absolument pas pensé à celui-là, mon choix se serait plutôt porté sur le Batch 2 ou celui de Twelve qui est juste énorme. Je les ai tous dégustés bien entendu. Et j’en ai dégusté d’autres dont j’avais des samples. Cela me permet de faire un petit tour d’horizon de ce que propose Hampden. Je vous laisse découvrir de façon courte et aléatoire toutes les dégustations que j’ai pu faire. Si vous voulez en savoir plus sur l’un de ces rhums. J’ai fait des notes de dégustation que je réserve à ma liste. Si vous ne l’êtes pas déjà, je vous invite à vous y inscrire, en plus de mes livres, vous aurez accès à mes notes de dégustations.
Hampden Mark JMC Twelve
Après avoir dégusté plusieurs rhums de chez Hampden, le passage au Twelve qui était la première expression d’un embouteilleur, j’ai été bluffé par ma dégustation. Tous les marqueurs Hampden sont bien présents avec une belle puissance des watts et du pétrolifère associé à une très belle gourmandise. Il y a une pâte apportée par Twelve dans cet embouteillage. Certainement apporté par le petit vieillissement continental dans un autre fût. C’est un de mes deux coups de cœur de cette dégustation.
Old Brothers Hampden <H> 61.6°
Voilà une expression intéressante de chez Hampden. On y retrouve tous les marqueurs de chez Hampden et bien marqués, les notes pétrolifères, le fumé et cette gourmandise fruitée. Mais il y a aussi des arômes différents et surtout un citron bien plus marqué que d’ordinaire. Assurément, une découverte à faire.
Le Liquoriste Hampden Jamaica Rum 65°
Voilà une très belle expression de l’identité d’Hampden avec un léger plus de gourmandise. La puissante aromatique pétrolifère est des plus équilibrés. Si vous n’avez pas peur de vous frotter à des watts qui ont du caractère, je vous garantis une très plaisante dégustation. Mon deuxième coup de cœur de cette dégustation. Trop content d’avoir pu avoir un sample de ce rhum que j’ai découvert grâce aux Compagnons du Rhum.
Kill Devil Hampden 46°
Voilà une nouvelle expression des rhums Hampden. C’est le premier rhum de chez Kill Devil que je déguste et j’ai encore à apprendre ce que recherche à transmettre Kill Devil à travers ses sélections. Il est toutefois intéressant de déguster un rhum Hampden qui ne semble pas être de chez Hampden.
Simple, accessible et empreint d’une petite douceur, l’aromatique est dominé par une olive citronnée, malgré un côté pétrolifère tout de même présent.
Hampden LROK
Un rhum qui pâtit d’un comparatif mal placé. Il est réduit à 47 degrés et il est donc bien moins folichon que les autres. Il est souvent comparé aux Great House ou au LROK de chez Velier pour dire qu’il est bien moins réussi. Mais c’est un rhum qui a une autre destinée. Personnellement, je le comparerais au Mezan XO. Le LROK de chez Hampden est une porte d’entrée pour les jeunes amateurs à découvrir Hampden. Les marqueurs y sont bien présents, avec plus de légèreté et de douceur.
Hampden Great House Batch 1
Voilà la première version haut de gamme vieux proposée par Hampden. Après avoir développé les blancs et deux vieux qui ont eu un très bon succès, avec Great House, Hampden tente la gamme au-dessus pour toucher des amateurs plus avertis. Et c’est une très belle réussite. J’adore ce rhum. Avec le Great House, Hampden cherche à proposer des références aussi intéressantes que celles de bons embouteilleurs.
Hampden Great House Batch 2
Il y a un avis partagé entre le batch 1 et le batch 2 sur celui qui est le meilleur. Je ne cacherais pas ma préférence pour celui-ci que je trouve plus profond et plus complexe. C’est un rhum qui s’apprécie avec du temps. Laissez-lui vraiment le temps. Il vous offrira un voyage des plus riche. Une très belle expression de chez Hampden, presque accessible pour un Hampden. L’évolution de la gourmandise fruitée vers une gourmandise pâtissière juste accompagnée par le boisé ne pourra que plaire aux amoureux des rhums high esters.
Hampden Estate 46
Cette première version réduite de l’expression Hampden se rend accessible à tous et donc une belle porte d’entrée à cette magnifique distillerie. Vous pourrez y découvrir tous les marqueurs de l’identité d’Hampden, mais avec subtilité et équilibre, la caractéristique pétrolifère, le fruit bien mûr, un boisé épicé et une plaisante gourmandise. Désolé, je n’avais pas de sample de la version Overproof et je ne peux pas vous donner mon avis sur ce rhum. Ma dernière dégustation remonte à trop loin.
Habitation Velier Hampden LROK White
Le petit blanc qui se balade dans la sélection, je ne parle pas du Rum Fire qui est purement fait pour le cocktail à mon goût. Ce rhum est une bombe. Rien que de le verser dans le verre est déjà une explosion aromatique. Malgré que ce soit un blanc, il offre une grande richesse aromatique et une belle évolution. Pure expression de chez Hampden, il vous emmènera dans un superbe fruité emprunt de notes pétrolifères clairement dominantes.
Son peps le rend des plus idéals pour la réalisation de cocktails funky.
Hampden LROK Habitation Velier
C’est un de ceux que j’aime beaucoup dans la sélection. Ce n’est pas un coup de cœur, mais j’aime beaucoup revenir régulièrement sur cette gourmandise qui fait très bonbon et qui se mêle tellement bien au côté pétrolifère. Une magnifique expression de chez Hampden pour moi.
Habitation Velier Hampden LFCH 60.5°
Voilà un rhum qui a besoin de temps. Si je vous dis de prendre le temps de déguster un rhum pour en apprécier l’évolution, c’est une condition indispensable pour pleinement apprécier ce rhum.
Il commence par une douceur fruitée et va doucement évoluer vers une puissante fraîcheur. Un rythme qui va également se retrouver en bouche avec un boisé bien plus marqué qu’au nez.
Habitation Vélier Hampden <>H 62°
Voilà un rhum qui va vous étonner par sa puissance. Vous allez les sentir les 62 degrés. C’est une expression toute en folie de l’identité d’Hampden. Vous allez découvrir un fruité gourmand et pétrolifère accompagnée d’un piquant des plus puissants.
Blackadder Raw Cask Hampden 56,1°
Il y a une expression un peu différente dans ce rhum Hampden. Une gourmandise un peu plus développée et une richesse aromatique très développée et très bien intégrée. Les marqueurs Hampden sont tout de même bien présents, mais tout de même légèrement différents. C’est très intéressant comme dégustation.
Conclusion
Cet article est déjà bien assez long et je pense vous avoir donné l’essentiel. Si vous voulez en savoir plus sur cette superbe distillerie, je vous ai ajouté quelques liens ci-dessous, vers d’autres articles dont j’ai beaucoup apprécié la lecture.
Maintenant, pour se plonger pleinement dans cet univers, il n’y a plus qu’à goûter. Vous pouvez facilement trouver un sample de quelques-uns des rhums dont je vous ai parlé sur Rhum Attitude. Cherchez Hampden Estate.
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N’oublie pas qu’un rhum partagé est un plaisir décuplé.
Mais aussi que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.