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L’Arrangé Maison, l’interview

Cet été, j’ai eu l’occasion de passer un moment dans les locaux de l’Arrangé Maison. C’est une rhumerie qui se développe très bien avec pour particularité de ne vendre qu’au consommateur final via sa plateforme Internet. Je vous fais entrer dans les coulisses de la rhumerie.

Pourquoi visiter une rhumerie ?

Étonnamment, ce n’est pas moi qui ai fait la démarche d’aller à la rencontre de l’Arrangé Maison. Je pensais depuis quelque temps faire une visite de rhumerie. Je pensais beaucoup à faire une demande pour visiter les rhums de Ced’. Mais comme je n’appréciais pas tellement ces rhums, j’hésitais beaucoup à faire cette demande.

Et finalement, c’est Pierre de l’Arrangé Maison qui m’a offert l’opportunité de faire cette découverte. Je connaissais assez peu cette rhumerie. J’avais vu passer deux ou trois annonces sur les réseaux sociaux, mais je n’y avais pas prêté attention. Cette opportunité d’aller visiter cette rhumerie était donc sans préjugé.

J’étais super content de pouvoir visiter les locaux d’une rhumerie, de savoir comment cela se passait quand la fabrication de rhum arrangé se faisait en grande quantité et aussi savoir comment on pouvait en faire un business.

L’histoire de l’Arrangé Maison

Comme pour beaucoup d’arrangeurs, Olivier Decan s’est mis à faire des rhums arrangés par passion. C’était un produit qu’il aimait beaucoup et cela a été comme une évidence pour lui de monter un business sur les rhums arrangés.

Olivier avait une autre raison évidente de monter ce business, c’est qu’il était déjà entrepreneur. L’Arrangé Maison est la troisième entreprise qu’a créée Olivier. Et encore aujourd’hui, il les administre toutes les 3 en même temps. L’une de ces entreprises est une entreprise de développement informatique. L’ensemble des logiciels dont les entreprises ont besoin sont développés en interne ce qui facilite grandement la gestion de la rhumerie.

Pour la confection des rhums arrangés, quand le travail a été clairement trop important pour qu’Olivier puisse s’en occuper seul, il a fait appel à un maître arrangeur d’origine guadeloupéenne, Jean-Michel. Sous ses airs discrets, Jean-Michel est un amoureux du fruit et de son aromatique qui décuple dans le rhum. Avec l’Arrangé Maison, il a tout pouvoir pour faire parler sa créativité. Et quelle créativité pour nous offrir des arrangés au whisky en plus du rhum et de la Vodka ! J’ai goûté un de ces arrangés au whisky et ces très sympas.

L’interview de Jean-Michel

Suivre la tradition en la modernisant

Jean-Michel : « La première volonté est de ramener une tradition du pays pour la partager. Ce n’est pas tout à fait comme le faisaient nos parents, mais on essaie de suivre la tradition. Il y a un équilibre entre la qualité du fruit et celle du rhum. L’idée est de bien retrouver le côté rhum, car c’est aussi cela que l’on recherche. On veut faire partager le rhum que l’on apprécie nous. »

Comment arrives-tu de l’idée d’une recette à sa vente ?

J-M : « De base, on va équilibrer les saveurs. On teste une épice ou un fruit et cela très vite dans le temps de macération. Tous les fruits n’ont pas besoin du même temps de macération. On va donc régulièrement le tester pour voir si l’aromatique nous convient. Une fois que la macération est bonne, on ajoute éventuellement du sucre si besoin. En dernière étape, on presse les fruits pour en retirer tout le jus et le rhum qui s’était imbibé dans le fruit.

Cela doit nous plaire avant tout à nous. Après, c’est comme si on lâchait un de nos petits bébés pour qu’il prenne son envol. On ne peut pas satisfaire tout le monde. Certains aiment les rhums forts, d’autres les rhums plus doux. On recherche donc un équilibre pour satisfaire un maximum de personne.

C’est peut-être ce qu’il y a de plus difficile que de rechercher cet équilibre. Si l’on utilise un bon rhum, ce n’est pas pour ne plus le retrouver dans la macération. Il faut que l’on ait cette explosion de saveur et le petit côté qui chauffe aussi. Avec toute l’équipe, on se réunit autour de la cuve, on goûte et on évalue si c’est bien ou s’il faut mettre un peu plus de sucre. Une fois que toute l’équipe a validé, moi je suis content et je sais que je peux mettre en bouteille. »

Interview de l’équipe de l’Arrangé Maison

Olivier, Pierre et Jean-Michel

C’est essentiellement à 3 qu’ils s’occupent de l’Arrangé Maison, mais Olivier a bien plus d’employer avec ses deux autres entreprises.

Comment viennent les idées de recette

Olivier : « Nous apportons un cadre, comme nous faisons de la monomacération. Nous avons l’intention à terme de faire du multifruit, mais nous sommes pour le moment sur de la monomacération et cela limite forcément nos choix. Nous avons une bonne palette d’ingrédients. Sachant que nous faisons également des arrangements à base de vodka et de whisky, cela nous donne beaucoup de possibilités.

C’est Jean-Michel notre fameux druide qui va privilégier certains ingrédients comme la feuille de combava, comme d’autres fruits qui lui sembleront plus équilibrés avec les différents alcools.

Prochainement, nous allons donc mettre en place des multimacérations pour agrandir nos possibilités, tout en privilégiant tout ce qui s’accorde bien comme le gingembre et le citron ou pomme caramel. Des choses qui marchent bien et qui sont connues. Pour le moment nous avons une cinquantaine de parfums, l’objectif est de faire beaucoup de parfum à terme, voire de dépasser les 500 références un jour.

Le rhum arrangé, c’est libre. Il n’y a que l’imagination qui nous limite dans ce que nous pouvons faire.

Nous voulons nous spécialiser dans les minis format, 10 centilitres. Pour faire des coffrets et des box et toujours surprendre un peu au niveau des goûts. Plus la palette de produit est riche, plus on est susceptible de satisfaire le consommateur. C’est cela qui est important dans notre vision des choses. »

Pourquoi ne mettez-vous pas ou peu de sucre dans vos rhums arrangés ?

Pierre : « Je pense que la raison est assez simple, comme l’a dit Olivier, on veut mettre en avant un parfum et sublimer l’association du rhum avec le fruit ou l’épice. Cela nous paraît normal d’adapter le taux de sucre pour arriver à cet objectif. Nous ne voulons pas que cela devienne une liqueur et que le sucre ne prenne pas le pas sur le rhum ou l’ingrédient en macération. »

Olivier : « De ce point de vue, nous allons même plus loin, car nous séparons toutes les étapes. Nous commençons par la macération du fruit sans ajout de sucre, vient en suite le pressage et seulement après tout cela, nous ajoutons le sucre. Tout simplement parce qu’au niveau du fruit, nous ne savons pas quelle quantité de sucre il va en ressortir. On peut faire un rhum mirabelle, si on met beaucoup de mirabelle, il n’y a pas besoin de sucre, c’est suffisant. Cela va vraiment dépendre de la densité de sucre dans chaque fruit.

Donc en faisant comme cela, nous avons la liberté de goûter et d’ajuster le taux de sucre au plus juste. Pour nous, il n’y a pas à discuter, c’est comme ça que l’on doit faire un rhum arrangé. »

Pouvez-vous nous en dire plus sur cette technique de pressage ?

Olivier : « C’est un parti pris qui nous dessert au premier abord parce que quand on voit le fruit dans une bouteille, c’est plus sexy au niveau esthétique. Mais d’un autre côté, on a moins de liquide parce que le fruit prend de la place. Nous, nous voulons récupérer le maximum d’arôme des fruits. On le voit en fin de presse, il y a des arômes qui sont exceptionnels. Et le fond de presse, on le garde pour nous ?. »

Pierre : « Comme pour le litchi dernièrement qui a totalement changé après la presse. La richesse des arômes est venue avec le coup de presse et c’est cela qui est très intéressant. »

Olivier : « Sachant qu’on lui met 3 tonnes de pression. Derrière, cela fait des galettes de fruit. Mais c’est ce qu’il faut pour récupérer tout le liquide. »

Quel est le succès de vos recettes ?

Olivier : « Nous avons des parfums atypiques, mais ce n’est pas ce qui va marcher le plus. Je prends l’exemple du combava, ce n’est pas le parfum que l’on vend le plus. Ce que l’on vend le plus, ce sont les parfums classiques type ananas, banane, fruit de la passion ou vanille. Mais ce côté atypique ajoute quelque chose en plus, ce qui est important parce que l’on fait beaucoup de coffrets. Si on se limite aux parfums classiques, on a vite fait le tour et donc ce côté atypique nous permet d’apporter du changement. »

Jean-Michel : « il faut des choses qui surprennent. Comme le spéculaus qui est gourmand. »

Pierre : « C’est de la découverte aussi, c’est une expérience. Cela ne peut pas plaire à tout le monde, mais c’est notre parti pris. »

Pourquoi avoir arrangé le Whisky ?

Olivier : « Il suffit d’aller sur un site communautaire comme rhum arrangé pour voir que c’est quelque chose qui se fait beaucoup. Après, nous ne faisons que suivre une tendance. Il y a aussi du calvados arrangé. Et donc, un whisky banane ou un whisky marron, c’est plutôt sympa.

Le whisky est donc une bonne base pour faire des arrangements. Il ne faut pas prendre un whisky trop âgé non plus. Nous, c’est un 3 ans d’âge et c’est une très bonne base pour faire des arrangements. »

Quelle est votre préférence de dégustation de l’arrangé ?

Olivier : « Sec, pur honnêtement. Après, on peut le faire en mixologie, mais cela dénature un peu le produit de base. »

Jean-Michel : « Moi, du moment qu’il est bien frais, je le mets toujours au frigo avant de le boire. Cela calme un peu l’alcool et cela fait remonter les saveurs, l’explosion de fruit. C’est mon point de vue. »

Olivier : « Nous faisons une version un peu plus planteur qui est donc un peu plus soft avec du jus de fruits. Il est à 28°. Mais il est tout de même macéré avec du fruit à un degré assez fort. On garde le côté arrangé qui se bonifie avec le temps. »

Comment vous êtes-vous intéressé à l’univers du rhum ?

Olivier : « La question qui m’intéresse, c’est depuis quand tu en dégustes Jean-Michel ? »

Jean-Michel : « La, il faudrait appeler ma maman, car cela remonte à longtemps. »

Pierre : « à quel âge elle en a mis dans le biberon ? » ???

Jean-Michel : « La tradition, quand on est petit, c’est que lorsque les dents sortent, on frotte avec du rhum. »

Olivier : « Pour moi, cela a été à l’adolescence avec des connaissances. J’avais des amis qui étaient réunionnais et qui partageaient leurs différentes mixtures. »

Régis : « Donc, plutôt rhum Charrette, au départ ? »

Olivier : « Oui, malheureusement, on va dire ça. » ???

Pierre : « J’ai découvert le rhum avec un ami à la fin de l’adolescence, vers 16, 17 ans, mais j’en consommais très rarement. Quelques rhums purs, mais pas en arrangés. C’est en venant travailler ici en stage. J’ai vu que cela faisait du rhum. Je me suis dit, ha tiens, c’est sympa. On va peut-être rester un moment, cela va bien se passer. »

Vous souvenez-vous de votre première fois avec le rhum ?

Olivier : « Honnêtement, je ne m’en souviens pas. »

Pierre : « Cela devait être du mauvais rhum. » ???

Jean-Michel : « Même quand tu étais tout petit, dès que tu avais un petit mal de ventre. Nous, on a ce que l’on appelle les raisins de bord de mer. Nos parents faisaient macérer les feuilles de raisins de bord de mer dans le rhum. Et dès qu’il y avait quelqu’un de malade, il avait le droit à un petit verre. Et franchement ça marche. »

Qu’est-ce que le rhum pour vous ?

Olivier : « Pour moi, c’est le partage. Tu vois, on a fait quelques dégustations. On partage des choses que ce soit des arrangements ou du rhum. Pour moi, c’est le partage. »

Régis : « J’adore, toujours avoir cette même réponse à chaque fois. »

Pierre : « J’allais dire exactement la même chose, je vais donc dire l’expérience. »

Qu’est-ce qu’un bon rhum pour vous ?

Olivier : « Déjà, la base je pense, c’est qu’il soit agricole. On parle de rhum blanc. C’est un prérequis. Après, il ne faut pas qu’il soit trop dénaturé. C’est une base comme pour un cuisinier. Il va travailler un ingrédient. S’il met trop de choses, cela va le dénaturer et cela ne va pas être bon. Et même nature, il doit se suffire à lui-même, je pense. Après, nous travaillons en monomacération parce que l’on aime ça. »

Mais, un bon rhum, il n’y a pas grand-chose à lui ajouter. Un bon Père Labat, moi, cela me va très bien. »

Jean-Michel : « Un rhum qui a un bon goût, où l’on retrouve bien la canne. Comme Bielle, Père Labat. Après ce sont mes goûts. »

Quel est votre podium des arrangés ?

Olivier : « Alors c’est peut-être un tort, mais je déguste très peu d’autres arrangés que les miens. Sinon, mon top 3, ce serait Rhum Vanille, le kiwaï, j’adore ce fruit. Alors, pour ceux qui ne savent pas, c’est un cousin du Kiwi qui n’a pas d’amertume et qui est beaucoup plus sucré. Et, à préparer, c’est très simple parce qu’il n’a pas de peau, donc on peut directement le mettre dans le rhum. Et je pense que la feuille de combava fait aussi parti de mon top 3.

Jean-Michel : « Alors, il y a le rhum Tonka qui m’a vraiment surpris. Le goût de la fève dans la bouche est très agréable. Après, on reste sur le Bois bandé. Le bon rhum bois bandé de chez nous, c’est un pêché mignon. Et celui qui m’a le plus surpris, c’est le combava. L’explosion et ensuite comment il reste en bouche ? C’est délicieux. »

Pierre : « Je serais un peu entre les deux. Le combava que je trouve magnifique. Le vanille et ensuite le bois d’Inde qui est pas mal. Après, j’aurais hésité entre le bois d’Inde et le bois bandé, mais vraiment le bois d’Inde est super. »

Comment est née cette envie de faire cette rhumerie ?

Olivier : « Comme je te l’ai dit, à la base c’est une passion. Avec mes amis réunionnais, on s’échangeait nos recettes. On se faisait des soirées. La passion est née de là. Ensuite, j’ai un esprit assez entrepreneurial. Tu as pu voir que j’ai 3 entreprises. Je me suis dit que l’on ne pouvait pas passer à côté de cela. Il faut faire quelque chose. Donc on s’est lancé là-dedans.

Je vois les choses de façon très digitale et je pense que c’est ce qu’il faut faire à l’heure actuelle quand on envisage un business. Donc la création d’une boutique en ligne me semblait indispensable. On s’est dit, on va avoir une approche vraiment orientée consommateur, digitale, numérique. Orienté donc B to C (cf. Business to Consumer, ce qui signifie un business tourné vers les consommateurs finaux). C’est pour cela que l’on a créé ce site, avec des services orientés utilisateurs. Avec une box. Avec la possibilité de paramétrer des coffrets. Pour faire des coffrets cadeaux. Et ce que l’on ne retrouve pas forcément ailleurs. Nous faisons beaucoup de petits formats, surtout des 10 cl et cela, on peut vraiment le faire parce que l’on distingue la partie macération de la mise en bouteille. Et puis on presse, donc on n’a pas les fruits et on peut donc se permettre de faire des mignonnettes. »

Conclusion

Voilà donc ma première exploration d’une rhumerie. J’ai pu apprendre beaucoup de chose sur le business d’une rhumerie qui fonctionne bien et surtout ce qu’il faut mettre en place pour monter sa propre rhumerie. C’est un projet que je garde dans un coin de ma tête pour le moment, mais c’est très intéressant d’avoir une partie des ficelles pour bien faire le travail.

Alors, est-ce que ce témoignage vous donne envie de lancer votre rhumerie ?

Si en tout cas vous êtes intéressé par les produits de L’Arrangé Maison, je vous invite à aller sur leur site et aussi à aller voir leur box qui est pour moi le service le plus intéressant qu’ils proposent.

N’oubliez pas qu’un rhum partagé est un plaisir décuplé.

Mais aussi que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

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