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Rhum vieux ou copeaux pour le boisé d’un rhum arrangé

Après avoir fait de nombreux tests d’utilisation de rhum vieux comme base de rhums arrangés et des copeaux de bois, je me suis dit qu’il me fallait en faire une conclusion. Vous expliquer ce que j’ai tiré de ces expériences et ce que je compte faire à l’avenir.

Test des copeaux de bois

Sur plusieurs mois, j’ai testé la macération de copeaux de bois. C’est quelque chose que je voulais faire depuis un bon moment. Et c’est un post sur Facebook de Julien Lesluin qui m’a permis de me lancer dans cette expérience très enrichissante. Julien avait acheté des copeaux de bois sur un site pour tester la macération avec le rhum. Il nous a présenté son expérience en photo.

Ni une ni deux, avec le lien du site pour commander les copeaux je me suis lancé également dans l’aventure?.

J’en ai profité également pour prendre du houblon par curiosité. Même si je ne bois pas beaucoup de bière, je suis très curieux de ce breuvage. J’aimerais beaucoup un jour créer ma propre bière, une bière que j’aimerais avec beaucoup de plaisir. En tout cas avec ce houblon, je pouvais déjà tester le rendu avec du rhum?.

J’ai donc commandé comme Julien les 4 sachets de copeaux différents, 4 x 40 g de copeaux de bois de chêne – naturel, légère, moyenne et forte torréfactions et un sachet de houblon.

Le colis est arrivé rapidement et sans encombre. Tout était prêt pour démarrer le test.

Pour cette expérience, j’ai choisi d’utiliser comme base de rhum le HSE blanc 55°. C’est un rhum que j’utilise beaucoup pour mes macérations de fruit, son rapport qualité/prix est presque imbattable?.

Quel que soit le type de copeaux, il est conseillé d’utiliser 5 à 25 g de copeaux pour 10 litres d’eau-de-vie. La quantité de copeaux va bien entendu plus ou moins renforcer la part de boisé diffusée dans le rhum. Pour mon test, j’ai mis environ 5 g dans 25 cl de rhum ce qui est largement au-dessus de la recommandation, mais qui a permis d’accélérer le rendu final.

La couleur

L’un des effets les plus flagrants de l’utilisation des copeaux de bois et même après, seulement quelques jours de macération, c’est la couleur. Il y a un superbe dégradé de couleur en fonction du niveau de toastage du bois. Cela va d’une couleur paille à un caramel très foncé et même plus foncé que la plupart des rhums vieux que j’ai pu déguster.

On connaît beaucoup la coloration par le caramel, mais la coloration par les copeaux de bois peut être également un bon moyen de tromper le consommateur. Je vous en parle un peu plus loin dans cet article.

On verra aussi que la couleur ne fait pas tout, car ce ne sont pas les macérations avec la couleur la plus foncée qui ont le plus satisfait mes attentes.

Copeaux de chêne naturel du Limousin

Après un mois de macération, le bois n’a pas beaucoup donné au rhum. Il est très léger au nez. C’est surtout en bouche que l’on se rendra compte que le rhum a macéré du bois. Cela reste léger avec de petites épices. Le rhum blanc a gardé toute sa superbe, il est frais et puissant. On notera que le poivré de la finale a gagné en beauté?.

Avec un mois de macération supplémentaire, le bois se révèle vraiment et apporte une belle maturité à cette macération. On est presque sur un ESB. Le boisé est frais, sur des petites épices légèrement piquantes. Tout cela est bien entendu rehaussé par la canne fraîche encore bien présente. C’est un nez qui est superbe. En bouche, le bois a bien marqué le rhum. Il y a un superbe boisé très épicé. On se croirait presque dans un sous-bois. Cela fait très jeune. La canne fraîche reprend tout de même vite le pas sur l’aromatique boisé et la finale est totalement sur le Blanc agricole avec son superbe poivré?.

Copeaux de chêne légèrement toasté

Pour cette macération, dès un mois de macération, on sent qu’il y a une différence. Le toastage apporte, tout de suite, un petit caramel avec le boisé et les épices, c’est très appréciable. Il y a de petites notes de fruits. On est beaucoup plus proche d’un ESB que pour le chêne naturel. La canne fraîche garde tout son caractère.

Avec un mois de macération supplémentaire, le caramel est bien plus marqué et se mêle bien mieux au rhum. J’ai vraiment l’impression de déguster un ESB ici?. Le rhum a gagné un peu en gourmandise et le bois a un peu plus pris le pas sur la canne fraîche. Ils vont presque de concert. En bouche aussi cela se mêle bien. C’est bien épicé avec un petit caramel légèrement cacaoté qui se marie plutôt bien avec la canne fraîche.

C’est la macération la plus plaisante de la série, je trouve?.

Copeaux de chêne toastage fort

Ce qui saute au nez avec cette macération, c’est le caramel qui est très présent déjà à un mois de macération. C’est légèrement vanillé. La canne fraîche est encore bien présente et garde une place importante dans l’aromatique. En bouche, on ne retrouve pas le caramel, c’est principalement une aromatique de café qui se défend contre une canne fraîche qui veut garder toute la place et qui finit d’ailleurs par la prendre en gardant seulement quelques épices.

L’une des premières conclusions qu’apporte cette dégustation, c’est que le toastage joue beaucoup sur le caractère du rhum?.

Avec un mois de macération supplémentaire, au nez, on est sur un rhum vieux. Le caramel apporte une belle gourmandise à l’aromatique. Il y a du fruit frais avec une bonne gourmandise, on est sur les agrumes avec également de belles épices bien piquantes. C’est en bouche que cela se complique. On sent le boisé, mais il y a un manque de lien avec la canne fraîche. Les deux aromatiques se dispute l’aromatique sans vraiment se lier. Cela perd de son intérêt. Il manque quelque chose?.

Copeaux de chêne brulé

Avec cette dernière macération, le caramel et la vanille sont encore bien plus présents qu’avec les copeaux de bois toastage fort. La vanille est très présente au nez avec seulement un mois de macération. C’est le seul dont les copeaux arrivent à prendre le pas sur la canne fraîche. C’est épicé et piquant. En bouche, c’est sur de fortes épices avec un café qui a pris une bonne place dans l’aromatique.

Avec un mois de macération supplémentaire, la canne fraîche se défend encore bien. Elle apporte du peps. Mais le boisé est bien plus présent. La vanille se mêle aux agrumes pour donner une aromatique gourmande. En bouche, la canne fraîche est puissante et vient porter le café et les épices sur le palais. Mais, la canne fraîche ne se lie pas au boisé qui a un fort caractère.

La canne fraîche est encore bien trop présente pour faire l’illusion du vieux et on a l’impression que cela ne veut pas se lier. Cela ne va pas ensemble. Il y a un duel entre la canne fraîche et le boisé. Ce n’est pas un beau mariage?.

Comparaison de la macération de copeaux légèrement toastée avec le HSE ESB

J’ai voulu faire le test avec la macération de copeaux légèrement toasté parce que c’est celle qui me semblait la plus proche du résultat attendu.

Cette comparaison m’a permis de voir plus distinctement dans cette macération le lien faible entre la canne fraîche et le boisé. Alors que je ne l’avais pas décelé lors de la dégustation uniquement de la macération en le comparant de front avec l’ESB, le lien fragile se révèle. On sent bien que le mariage du bois et de la canne fraîche est bien fait dans l’ESB. Dans la macération, il manque quelque chose. Ce n’est pas parfait. Tous les ingrédients sont là. Le boisé est joli avec de belles épices comme dans l’ESB, mais c’est moins bien intégré.

Ce test m’a permis d’être sûr qu’il n’est pas possible de faire illusion d’un ESB ou d’un rhum vieux avec des copeaux de bois. Avec un palais expérimenté ou en faisant une comparaison avec un autre rhum, la macération de copeaux de bois ne tient pas la route?.

Petit aparté sur la macération de houblon

La petite surprise de ce test un peu en parallèle est dans un tout autre registre.

Au nez, c’est très végétal, c’est vert. Il y a une aromatique un peu comme si l’on était dans un sous-bois. C’est frais.

En bouche, c’est stupéfiant. C’est un rhum à la bière. Le houblon a pris totalement le pas sur l’aromatique et a effacé la canne fraîche. Cela donne l’impression de boire une bière ultra forte. On sentirait presque les bulles?.

Une expérience bluffante. Il y a matière à faire des trucs très intéressants. Je vais y réfléchir avec plaisir.

Du rhum vieux comme base de rhum arrangé

Je reviens un peu sur mes dernières expériences de rhums arrangés pour lesquels j’ai utilisé un rhum vieux

Rhum arrangé banane flambée avec le Doorly’s XO

J’ai fait une première recette avec de la banane flambée macérée dans un Doorly’s XO. Autant la recette m’a sublimé par sa gourmandise dont je n’ai pas du tout été satisfait de l’utilisation du Doorly’s. Le rhum s’est complètement fait oublier. Il a été difficile de retrouver un peu du boisé derrière l’extraordinaire aromatique de banane flambée de ce rhum arrangé.

En conclusion, le rhum arrangé est super, mais l’expérience du Doorly’s XO n’est pas du tout concluante.

Réflexion faite en écrivant l’article, j’aurais peut-être du faire deux tests et avoir un comparatif avec un rhum blanc. Je n’oublierai pas d’avoir un test témoin neutre pour pouvoir faire la différence.

Rhum arrangé pruneau avec le Mount Gay Black Barrel

La macération avec des pruneaux n’a pas été plus concluante que le précédent test. Tout comme le Doorly’s XO, le Mount Gay Black Barrel n’a pas fait le poids face aux fruits. J’ai pu ressentir un peu plus le boisé, mais pas du tout à la hauteur de mes attentes. Et après plus de 3 mois de macération, le boisé n’était plus du tout perceptible.

Un souci avec l’utilisation des copeaux de bois

C’est une question qui a été soulevée plusieurs fois alors que je diffusais les vidéos de mon test des copeaux bois. On m’a même demandé si je ne faisais pas l’apologie des rhums trafiqués en prônant l’utilisation de copeaux de bois.

L’utilisation de copeaux de bois pour faire l’illusion de rhum vieux est une pratique qui existe et que pratiquent certains professionnels peu scrupuleux?. Pour pouvoir vendre plus rapidement et à moindre coût des rhums dits vieux, ils les font macérer avec des copeaux de bois.

J’ai utilisé cette technique pour essayer de reproduire le rhum Dictador et c’est effectivement une pratique que l’on peut craindre. Si cela n’est pas dit au client, c’est clairement une pratique frauduleuse.

La distillerie Mhoba utilise des Douelles toastées

Mais à contrario, cela peut être une pratique très intéressante quand elle est bien faite et en toute transparence avec le client. Je citerai la distillerie Mhoba qui pour l’un de ses rhums vieux, fait une première mise en repos de son rhum dans de grandes dames Jeanne avec des douelles toastées.

Le procédé est parfaite transparent. Tout est expliqué sur leur site : http://www.mhoba.com/the-tasting-room

Ce n’est pas de la fraude, parce qu’ils ne cherchent pas à tromper le consommateur. Tout le procédé de maturation est transparent. Ils utilisent des morceaux de douelles qu’ils toastent de tous les côtés. Ces douelles sont placées avec le rhum dans de larges dame jeanne pour une première maturation. Dans un second temps, le rhum est placé en fût pour une deuxième maturation. Mhoba procède ainsi pour accélérer l’effet de vieillissement sans perdre tout le rhum en part des anges. Il faut savoir qu’en Afrique du sud, la part des anges est encore plus forte que dans les tropiques. Au bout de quelque années, il n’y aurait plus de rhum dans les fûts.

De plus, ce rhum n’a pas d’âge. Donc, ils ne fraude pas non plus en cherchant à faire l’illusion d’un très vieux rhum. En toute connaissance de cause, c’est au client de faire son choix. Tu ne peux pas acheter le rhum et dire ensuite que l’on t’a trompé si tout est déjà dit dès le départ. Personnellement, je trouve le procédé très intéressant et recherché. On sent que le maître de chai cherche à offrir le meilleur à ses clients.

Les rhums Mhoba sont exceptionnels et on ne peut pas leur reprocher de tricher, surtout quand le client en est parfaitement informé?. Si cela ne vous plait pas, vous n’êtes pas obligé d’acheter?.

Les copeaux de bois ne sont que des épices

Pour clôturer le sujet, je vous dirais simplement que pour moi, les copeaux de bois ne sont que des épices au même titre que la cannelle ou la badiane. C’est un ingrédient d’une recette dans l’élaboration d’un rhum arrangé. Le produit final sera un rhum arrangé et non un rhum vieux. J’ai réalisé ce test dans le but d’améliorer mes connaissances dans l’élaboration de rhum arrangé.

Je n’avais pas pensé à l’utilisation frauduleuse de ces copeaux quand j’ai commencé mon test. Je n’ai réalisé la problématique qu’en faisant mes dégustations. Mais même à ce moment-là, je n’avais pris le problème qu’en marge de mon test puisque non en rapport avec le but du test. Ce sont les multiples questions sur les réseaux qui m’ont poussé à donner une réponse franche à cette question.

Dans l’élaboration de recette d’arrangée maison, il n’y a aucun problème à l’utilisation de copeaux de bois. Par contre, si c’est à un niveau professionnel, ce n’est pas du tout le cas ou alors avec un maximum de transparence et en utilisant des matières premières de qualité comme le fait Mhoba.

Je vais utiliser les copeaux de bois pour mes prochaines créations

À la lumière de ces différents tests, je pense utiliser les copeaux de bois pour mes prochaines créations et garder mes rhums vieux pour les déguster secs ou en cocktail.

J’ai déjà dans l’idée de réaliser un test pour trouver le meilleur accord de copeaux de bois. Il va me falloir trouver une recette dans laquelle je puisse utiliser les copeaux de bois pour qu’ils aient une vraie valeur ajoutée dans l’ensemble.

Comme je l’ai dit plus haut, je vais prévoir une macération témoin dans laquelle je ne mettrais pas de copeaux et je vais réfléchir à différentes associations de copeaux pour trouver la meilleure.

Sources

Vous pouvez aller consulter la conversation Facebook qui m’a permis de me lancer dans cette expérience :

https://www.facebook.com/groups/rhumarrange/permalink/2219860151409590/

Conclusion

Cette expérience a été des plus riche pour moi. J’ai beaucoup appris et aussi changé certaines de mes positions. Je ne pense pas réutiliser de rhum vieux dans la préparation de mes rhums arrangés. Il sera bien plus rentable d’utiliser les copeaux de bois. Et avec un peu plus de maîtrise, je saurais mieux faire ressortir le côté boisé que je recherche.

Alors, que pensez-vous de l’utilisation des copeaux de bois ? Est-ce que cela vous dérange ? Dites-le-moi en commentaire.

N’oubliez pas qu’un rhum partagé est un plaisir décuplé.

Mais aussi que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

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6 Comments

  1. pymouss

    Super intéressant, merci de partager ces expériences avec nous. Ca fait 20 ans que je fais du rhum arrangé, et samedi soir en plein milieu de ma cuite j’ai pensé à intégrer des copeaux de bois dans un rhum, je pense tester plusieurs essences (érable, acajou, epicéa) que je vais éventuellement toaster et compléter avec des gousses de vanille et/ou du caramel. Pour moi pas d’état d’âme à utiliser des copeaux, les règles sont faites pour être transgressées. A la base je mettais plutot du fruit dans le rhum, mais maintenant j’essaie de nouvelles choses comme la tonka, le beurre de cacahuètes, les speculoos…

    • Régis Lapeze

      Merci pour ton commentaire.

      Du moment que l’on ne parle pas de vieillissement, mais bien d’arrangement d’épices, il n’y a aucun problème à utiliser des copeaux de bois. Et de toute façon, du moment que c’est pour soit, il n’y a aucune règles, on fait ce que l’on veut.

      Je serais heureux d’avoir un retour de tes essais.

  2. GARGAR

    J’ai eu la surprise de découvrir comment certains rhums blancs ont pu devenir aussi bon que des rhums vieux avec les copeaux de bois (chêne Français). Pour moi, un rhum vieux à déguster, c’est au moins 6 ans d’âge (soit un XO par exemple). Moins que 6 ans franchement je l’utilise qu’en pâtisserie (tradition familiale de ma grand-mère). Je me suis trompé en voulant acheter un bouteille de rhum vieux (pour la cuisine), j’ai pris une bouteille de rhum ambré. L’horreur! Je déteste les rhums pailles ou ambrés. J’en ai fait un rhum arrangé aux épices (cannelle, muscade, clou de girofle, anis étoilé, cardamome, angostura et 1/2 baton de vanille + 1 bout de chêne)… En à peine 1 moins, surprise : c’est un régal. Du coup je l’utilise pour des coktails.

    • Régis Lapeze

      Bonjour Gargar,

      Chacun trouve son propre plaisir. Il est vrai qu’après 6 ans de vieillissement, il y a un caractère boisé, une finesse et une rondeur que l’on ne retrouve pas dans les rhums moins vieux. C’est un autre genre de plaisir.

      Personnellement, j’aime tout, mais je sais que pour beaucoup, plus le palais s’affine, plus les goûts pour certains rhums se précisent jusqu’à ne plus aimer les autres.

      Mais par une erreur et l’expérience, tu as trouvé une utilité intéressante à un rhum ambré ^_^. Intéressante en tout cas ta recette de RA, très épicée.

    • Régis Lapeze

      Bonjour,

      Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas les laisser indéfiniment. Après, c’est a ta libre appréciation du résultat que tu en attend. Tu peux simplement goûter de temps en temps pour voir ce que cela donne et une fois que tu as un résultat qui te plait, tu filtre.

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