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Qu’est-ce que le système Solera ? [159/365]

Voilà une question qui se pose souvent, qu’est-ce que le système Solera ? Associé aux rhums de type hispanique, le vieillissement en système Solera présage rarement que le rhum sera des plus authentique?.

J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de déguster des rhums vieillis selon le Système Solera. Il y a le Ron Zacapa XO Centenario, le Millonario Reserva Especial 15, le Matusalem Gran Reserva 15, le Pampero Aniversario dont j’ai fait une vidéo de dégustation ou encore dernièrement le Barcelo Imperial avec le Calendrier de l’avent du rhum.

C’est un type de rhum très prisé de par le monde, souvent très apprécié des jeunes amateurs pour leur accessibilité à la dégustation, mais ce sont très souvent des rhums boudés par les amateurs français avertis.

On va voir pourquoi.

Les origines du système Solera

Le système Solera est une méthode de vieillissement et d’assemblage de spiritueux qui vient d’Espagne. Plus précisément, c’est une méthode qui est très utilisée pour les vins de Jerez (Xérès en français ou Sherry en anglais, cela reste un vin espagnol?).

Il s’est ensuite exporté un peu partout et dans différents spiritueux comme le champagne ou le rhum.

À l’origine, cette méthode a pour but de permettre aux vins les plus vieux d’éduquer les vins plus jeunes. Ils leur apportent le boisé, la rondeur et une meilleure intégration de l’alcool.

Il permet surtout de garantir une certaine stabilité du produit finale qui tout au long des années gardera une aromatique qui ne change que très peu. Ainsi, le producteur peut chaque année proposer un produit qui sera en tout point très proche du même produit qu’il a proposé l’année précédente et cela chaque année. Cela permet d’avoir un produit uniforme.

Le point le plus fort pour les producteurs, c’est qu’ils peuvent beaucoup plus rapidement proposer un rhum très vieux avec cette méthode. Ils n’ont pas à attendre 15 ans de plus pour avoir une nouvelle fournée de Solera 15 ans. Avec l’ouillage, la prochaine fournée qui peut être quand le souhaite le producteur, une fournée de Solera 15 ans.

Qu’est-ce que le système Solera ?

C’est une méthode de vieillissement d’un spiritueux qui consiste à empiler des fûts sur plusieurs étages et de procéder à un ouillage (une remise à niveau) des fûts les plus bas, au sol, avec les fûts au-dessus à chaque fois que l’on tire du spiritueux des fûts les plus bas pour le mettre en bouteille.

Ça, c’est la base, mais c’est tout de même un peu plus complexe?.

Chaque niveau de fût contient un spiritueux d’une même moyenne d’âge et ce sont des Criadera en espagnol. Les fûts les plus bas contiennent le spiritueux le plus vieux et cette rangée est la rangée dite Solera. C’est de cette rangée qu’est tiré le spiritueux qui va pouvoir être embouteillé. Chaque rangée plus haute (Criadera) contient un spiritueux plus jeune que celui de la rangée plus basse du bas. Ainsi la dernière rangée contient le spiritueux le plus jeune du système.

Chaque rangée au-dessus de la Solera est une Criadera. La première rangée au-dessus de la Solera est nommée la première Criadera. La seconde rangée est donc la seconde Criadera et ainsi de suite. On trouvera souvent des systèmes Solera de 3 ou 4 étages, mais il est possible de trouver des systèmes jusqu’à 8 étages.

Suite au tirage du spiritueux dans la rangée Solera, il faut remettre à niveau la rangée Solera. Seule une petite quantité du fût est prise pour la mise en bouteille, généralement entre 10 et 15 % du fût. Cela permet avec l’ouillage de garder la structure de base du rhum et qu’il puisse bien accueillir le rhum plus jeune qui va le compléter. Pour cela, on va tirer le spiritueux de la rangée au-dessus pour compléter la rangée Solera. Il faut ensuite compléter la première Criadera avec la seconde et ainsi de suite jusqu’à arriver à la dernière Criadera. Cette dernière Criadera est complétée avec un nouveau spiritueux tout neuf ne venant pas du système Solera. Cela peut être un spiritueux non vieilli comme un spiritueux ayant déjà passé un certain temps en fût.

Il faut maintenant attendre pour procéder à un nouveau tirage de la Solera et procéder à nouveau à la mise à niveau de chaque Criadera. Ce tirage n’est pas nécessairement fait tous les ans. En fait, il est possible de faire un tirage quand on veut. C’est au maître de chai de décider quand il est possible de faire un nouveau tirage. Cela peut-être tous les ans, comme tous les 6 mois ou encore tous les 2 ans.

Qu’est-ce qu’apporte le vieillissement selon le système Solera ?

Cette méthode permet un vieillissement dynamique du spiritueux. Pour la plupart des spiritueux vieillis en fût, le vieillissement est dit statique. Cela signifie que le spiritueux ne sera pas touché entre la mise en fût et la mise en bouteille. Dans le système Solera, c’est tout le contraire. Le spiritueux est transvasé de fût en fût, mélangé avec des spiritueux plus vieux. Le vieillissement est donc dynamique. Cela permet une meilleure intégration de l’alcool et une concentration des arômes?.

Les fûts ne sont pas totalement remplis et donc il y a un échange avec l’air, c’est un échange que l’on dit oxydatif. Dans le rhum c’est encore plus vrai avec la part des anges qui peut être forte, surtout dans les Antilles. Cet échange avec l’air permet un développement complexe du spiritueux et aussi plus rapide.

Le système Solera est également un processus d’assemblage de spiritueux très différents de l’assemblage par le maître de Chai. C’est donc la possibilité d’offrir un produit différent des blends de tradition anglaise. Et tout produit original a son intérêt.

Pourquoi le système Solera s’est retrouvé dans le rhum ?

C’est en fait un héritage assez naturel qui a amené des distilleries à produire des rhums avec le système Solera. Le système Solera est originaire d’Espagne. Donc quand les espagnols ont commencé à faire du rhum dans leurs colonies, c’est un système qu’ils ont tout naturellement appliqué au rhum.

On notera qu’il existe des rhums de type Solera depuis bien plus longtemps qu’il n’y a du rhum agricole dans les Antilles françaises. C’est une tradition qui est tout de même assez vieille et qui plaît naturellement aux locaux.

Comment connaître l’âge d’un rhum Solera ?

Avec les années, il y a toujours une part du rhum le plus vieux dans la rangée Solera. Il y aurait toujours une portion de ce rhum qui continuerait à éduquer les rhums plus jeunes. Même si cela finit par n’en être qu’une part infime.

Un rhum Solera est donc une composition de plusieurs rhums de différents âges. Mais par cette utilisation, même très faible d’un rhum de grand âge, beaucoup des distilleries qui utilisent ce système indiquent sur la bouteille de rhum l’âge du plus vieux rhum contenu dans la bouteille.

C’est surtout dû au fait que l’univers du rhum n’a que très peu de législation au niveau mondial et que beaucoup de distilleries font un peu ce qu’elles veulent et les autres ne font que suivre le mouvement. C’est un monde de pirate.

Si l’on souhaite estimer l’âge d’un rhum Solera, c’est donc complexe et aléatoire. Il ne sera jamais possible de connaître la proportion exacte de chaque âge. De plus l’influence de chaque Criadera avec le rhum plus jeune qu’il reçoit change fortement son vieillissement. Estimer l’âge moyen d’un rhum Solera est donc pour moi impossible et je trouve qu’en plus, c’est sans intérêt. Est-ce que cela représente un intérêt de connaître l’âge moyen d’un rhum XO ou même sans âge pour beaucoup de rhum de tradition anglaise ?

L’assemblage permet de chercher une uniformisation de l’aromatique d’un rhum et de pouvoir proposer toujours la même aromatique d’une fournée à l’autre. Cela ne change en rien le plaisir de la dégustation derrière et cela peut même donner de très bons rhums qui sont le fruit du savoir-faire d’un maître de Chai.

Pour le Solera, l’âge du rhum le plus vieux n’est qu’une indication et ne doit rester qu’une indication. Cela ne veut absolument pas dire que c’est un rhum de cet âge.

Le problème de transparence dans les rhums Solera

Oui il y a un sacré problème de transparence. Et même si ce sont principalement les français qui font chier les gentils producteurs de rhum Solera, il faut avouer que ces produits regorgent de tromperies. Mais cela reste toujours un produit qui attire de nombreux amateurs de rhum et donc un produit qui marche très bien.

Les ajouts dans les rhums Solera

Voilà pour moi le plus gros problème de transparence qu’il peut y avoir dans les rhums Solera. Au-delà de la méthode de vieillissement et de l’âge plus que bancal, c’est les ajouts qui sont problématiques.

Les rhums Solera sont principalement des rhums de type hispanique et donc très souvent avec une adjonction de sucre, mais pas que. Les rhums Solera sont souvent synonymes d’ajout de colorant pour accentuer la couleur caramel du rhum et le faire paraître plus vieux qu’il n’est réellement.

Les rhums Solera bénéficient également d’adjonction d’arômes. Dans certains rhums Solera que j’ai pu goûter, les arômes de vanille, de caramel ou de banane sont bien trop présents pour avoir été tirés du fût. C’est une pratique qui est très répandue dans les rhums de type hispanique, mais elle est encore plus associée aux rhums Solera.

C’est vrai que cela en fait des rhums très appréciés des amateurs de rhums. Le sucre les rend faciles à déguster et ils sont bien plus gourmands que des rhums de tradition anglaise ou des rhums agricoles. Mais il serait plus juste d’appeler cela des rhums épicés que des rhums tout court. Je n’ai rien contre les rhums épicés, je peux prendre beaucoup de plaisir à en déguster. C’est juste que je sais que je déguste un rhum épicé.

Des pratiques différentes entre les distilleries

Il y a également un problème dans la pratique du système Solera par les différentes distilleries.

On a vu qu’il est possible d’avoir entre 2 et 8 Criadera et qu’il est également possible de tirer le Solera quand on le souhaite. Ces deux états de fait font que les distilleries ne pratiquent pas le système Solera de la même manière et surtout qu’elles ne communiquent pas leur procédé.

Un solera 15 ans d’une distillerie ne sera pas produit de la même manière dans une autre distillerie. La comparaison est impossible.

Le système Solera est très flou de base, mais avec le manque de transparence des distilleries, l’impossibilité de savoir les détails du système Solera pratiqué, il est très compliqué de se faire une idée du produit que l’on achète.

Est-ce qu’un rhum vieilli selon le système Solera est un bon rhum ?

Si l’on ne prend que le système Solera en lui-même, je ne vois pas ce qu’il pourrait y avoir comme problème à utiliser cette méthode d’assemblage si l’on marque bien que c’est un rhum Solera comprenant des rhums de tel âge à tel âge. S’il n’y a aucun ajout de sucre ou de colorant, je suis sûr que cela ferait d’excellents rhums de dégustation qui n’auraient rien à rougir des blends de tradition anglaise.

Au contraire, le vieillissement dynamique, le fait que ce soit le rhum qui se travaille tout seul et pas l’homme qui cherche une aromatique particulière, il y aurait matière à proposer de très beaux rhums.

Mais, ce qui fait la mauvaise réputation des rhums Solera auprès des amateurs français, c’est indéniablement les ajouts de sucre, d’arômes et de colorant et non le système Solera lui-même. Nous n’avons tout simplement pas l’habitude de trouver des rhums Solera non trafiqués et donc le terme s’est irrémédiablement associé à ce mauvais côté du rhum.

On notera par exemple le Matusalem Gran Reserva 15 qui est un rhum Solera sans ajout de sucre. Bon je n’ai pas super accroché, mais c’est le seul rhum Solera que j’ai dégusté aujourd’hui qui soit sans sucre. Il y a toujours un manque de transparence pour le reste, mais cela montre qu’il est possible de trouver un rhum Solera sans sucre. Je trouverais certainement encore mieux à l’avenir. Je pense que le Santa Teresa 1796 dont j’ai un sample a de bonnes chances de relever le niveau des rhums Solera?.

Sources

Conclusion

Le système Solera est une méthode de vieillissement du rhum alliée à un assemblage dynamique. C’est une tradition des distilleries espagnoles qui date des origines du rhum de type espagnol.

On peut ne pas partager la même passion pour le rhum et en avoir des attentes différentes. Mais si vous savez en quoi consiste le système Solera, vous acheter le rhum en toute connaissance. Et si vous n’aimez pas cela, vous passez simplement votre chemin.

Personnellement, même si ce n’est pas ce que je préfère, j’ai encore beaucoup à apprendre des rhums Solera et je compte bien en déguster bien d’autres.

Et vous, que pensez-vous du système Solera ? Aimez-vous des rhums Solera ? Dites-le-moi en commentaire.

Un rhum partagé est un plaisir décuplé.

N’oubliez pas, l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

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2 Comments

  1. Alain Vanophalvens

    Bonjour Régis,
    Merci beaucoup pour cet article sur le système Solera.
    Je vis en Espagne depuis 6 ans et bien que je vois cette dénomination sur de nombreuses bouteilles, pas uniquement pour le rhum, j’en ignorais la signification.

    • Régis Lapeze

      Bonjour Alain,

      Heureux de t’avoir appris quelque chose. C’est une méthode de vieillissement très répandue en Espagne pour des vin liquoreux.
      Dans le rhum, c’est au Venezuela par Santa Teresa que cela a été utilisé pour la première fois en 1996.

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